Dans l'immédiat après guerre, les chars légers constituaient l'essentiel des forces blindés de l'armée suédoise. Pour couvrir ses besoins plus pressants, la Suède acheta à l'Angleterre trois cents Centurion. A cette même époque, les responsables militaires décidèrent d'entreprendre la réalisation d'un char lourd, le KRV; Landsverk étudia le châssis, Volvo le groupe moteur, Bofors l'armement, un canon de 105 mm à âme lisse. Entre-temps, Sven Berge, du Service d'études de l'artillerie de l'armée Suédoise, établissait les plans d'un char tout à fait révolutionnaire; le canon de ce char n'était pas monté sur la tourelle mais sur le châssis. Le pointage en azimut était obtenu en faisant pivoter le char sur son axe, et le mouvement en site par l'élévation ou l'abaissement de la suspension. Des essais confirmèrent le bien fondé du concept de base, et en 1958 Bofors recevait une commande de deux prototypes de char sans tourelle. L'étude du KRV fut alors arrêtée. Les deux premiers prototypes furent achevés en 1961, mais l'armée suédoise, convaincue de la fiabilité de Berge, avait dès 1960, passé commande de dix véhicules de présérie. L'armement du char S, Stridsvagn 103 de son vrai nom, une version modifiée du L7 de 105 mm britannique, est alimenté par un magasin, logé à l'arrière de la caisse, contenant 50 obus. L'assortiment de munitions dépend des conditions opérationnelles envisagées mais peut se composer de 25 APDS, 20 HE et 5 fumigènes. La cadence de tir peut atteindre 15 coups/mn. En outre, une mitrailleuse de 7,62 mm est montée sur la coupole du chef de char, deux autres mitrailleuses de 7,62 mm, fixées sur le côté gauche de la caisse, sont orientées vers l'avant. Le char emporte 2 750 projectiles de 7,62 mm. Deux lance-fusées Lyran éclairent les cibles la nuit. Le moteur et la transmission sont à l'avant; la puissance motrice est assurée par un moteur anglais polycarburant Rolls-Royce K60 développant 240 ch. Il a été remplacé par un moteur diesel Detroit et un turbomoteur Boeing 553 développant 490 ch. Dans les conditions normales, le conducteur utilise le diesel, mais, au combat et en route, le chef de char peut recourir au turbomoteur lorsqu'un meilleur rapport poids/puissance l'exige. L'opérateur radio prend place derrière le conducteur, mais fait face à l'arrière. Le chef de char s'installe à droite; son matériel d'observation se compose d'un périscope combiné à un viseur optique, presque identique à celui du conducteur, qui lui permet de viser et de faire feu en même temps. La lunette OPS-1 du chef de char, totalement stabilisée, peut pivoter sur 208°. Dans un engagement classique, le chef de char observe d'abord la cible puis manipule les commandes du levier de direction pour diriger le canon sur la cible; il choisit ensuite le type de munition, charge le canon et fait feu. Les douilles sont éjectées au fur et à mesure par une écoutille à l'arrière de la caisse. La suspension hydropneumatique permet un mouvement en site de + 12° à - 10°. Le char S présente toutefois le défaut de ne pas pouvoir faire feu en se déplaçant, mais cela ne constitue pas un inconvénient pour le Suédois, car leurs forces armées seront probablement engagées davantage dans des opérations défensives que dans des opérations offensives. Une lame de bulldozer, montée à l'avant du char, sert à préparer les positions de tir. La jupe de flottabilité, portée relevée sur le pourtour de la caisse, peut-être déployée en quinze minutes, et le char est alors propulsé dans l'eau par ses chenilles.
|